Gérer les oppositions chez l’enfant
S’il contredit tout ce que vous dites, même sur des sujets anodins, vous n’êtes pas seul·e.
Cette attitude — parfois épuisante pour les parents — est une étape fréquente du développement de l’enfant. Elle ne signe pas nécessairement un problème de comportement. Elle traduit souvent une quête d’autonomie, un besoin de reconnaissance ou une manière d’exprimer une émotion qui n’a pas encore trouvé les mots.
En tant que psychologue pour enfants, je rencontre régulièrement des familles qui vivent ces moments de tension au quotidien. La bonne nouvelle : il est tout à fait possible de les comprendre et de les apaiser.
Quand l’opposition est un signe de développement
Entre 2 et 4 ans, l’enfant traverse ce que l’on appelle souvent la phase du “non” systématique. Dire non, c’est affirmer son existence en tant qu’individu distinct. Ce
processus normal lui permet de tester les limites, d’explorer son pouvoir personnel et de se construire.
Vers 6-7 ans, avec le développement de la pensée logique, il commence à remettre en question les règles : non pas pour défier l’autorité, mais pour comprendre et s’approprier les cadres.
À l’adolescence, contredire devient un outil d’individuation : le jeune cherche à affirmer ses valeurs et sa vision du monde. Ce phénomène est structurant dans la construction identitaire.
👉Tant que ces comportements s’inscrivent dans ces étapes développementales et ne s’accompagnent pas d’autres difficultés majeures, ils sont normaux.

Derrière le “non” : des besoins à reconnaître
L’opposition n’est pas toujours une lutte de pouvoir. Elle peut traduire :
- Un besoin d’autonomie,
- Un besoin d’attention ou d’écoute,
- Une volonté de tester les limites pour se sécuriser,
- Parfois une émotion inconfortable (frustration, anxiété, peur de l’échec).
Un cadre bienveillant, combiné à une écoute authentique, aide l’enfant à exprimer autrement ses besoins que par la confrontation.
Quand l’opposition réveille aussi les émotions des parents
Le “non” de l’enfant ne résonne pas dans le vide. Pour de nombreux parents, il réactive des souvenirs personnels liés à leur propre enfance ou à leur rapport à l’autorité. Cela peut générer colère, agacement ou sentiment d’impuissance.
Identifier cette résonance émotionnelle permet de distinguer ce qui appartient à l’enfant de ce qui se rejoue chez l’adulte. Cette prise de recul aide à répondre avec plus de calme et de cohérence. Reconnaître son propre ressenti n’est pas une faiblesse, c’est une force relationnelle.

L’importance de l’équilibre : ni laxisme ni autorité rigide
Deux écueils peuvent nourrir les oppositions :
- Un manque de cadre : sans repères, l’enfant teste tout, tout le temps.
- Un excès d’autorité : une rigidité trop forte génère des rapports de force au lieu de la coopération.
L’objectif est de poser des limites claires, cohérentes et bienveillantes. Une autorité sécurisante n’est pas synonyme de punition, mais de structure solide, compréhensible et constante.
💡 Exemple : au lieu de “C’est non et c’est tout !”, vous pouvez dire : “Je vois que tu n’es pas d’accord. La règle est la même pour tout le monde.”
Des stratégies concrètes pour apaiser les tensions
- Rester calme et contenir sans surenchère : entrer dans le rapport de force ne fait qu’alimenter l’opposition.
- Nommer les émotions : reconnaître le ressenti de l’enfant aide à le réguler.
- Poser des limites constantes et non agressives.
- Proposer des choix encadrés pour soutenir l’autonomie :
“Tu veux mettre ton pyjama maintenant ou dans 5 minutes ?” - Valoriser les moments de coopération, même petits, pour renforcer les comportements adaptés.
Quand faut-il consulter ?
Si l’opposition devient constante, rigide et qu’elle s’accompagne d’autres signes (agressivité, isolement, échec scolaire, anxiété importante), il peut être utile de consulter un psychologue pour enfants.
- Un accompagnement peut permettre de :
- Identifier les causes profondes,
- Travailler la régulation émotionnelle,
- Restaurer un climat familial plus apaisé.
Dans certains cas, des approches comme Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) peuvent être proposées, notamment si l’opposition est liée à un vécu émotionnel difficile ou à une anxiété sous-jacente.
En conclusion
L’opposition de l’enfant n’est pas une déclaration de guerre : c’est souvent une manière de grandir, exister et communiquer. En la comprenant comme telle, en ajustant le cadre et en accueillant les émotions de part et d’autre, ces moments peuvent devenir des opportunités de croissance relationnelle.
Si les tensions s’installent, un accompagnement par un psychologue pour enfants peut aider à restaurer le dialogue et renforcer la sécurité affective au sein de la famille.
Lucille Mauny – Psychologue clinicienne
Spécialisée en psychologie de l’enfant, parentalité et thérapie EMDR enfant

